« Quand on refuse, on dit non ! » aurait affirmé Samory Touré (vers 1830-1900), le fondateur de l'empire du Wassoulou qui résista pendant plus de 25 ans à la conquête française de l'Afrique de l'Ouest. Eh bien, la Malienne Aminata Dramane Traoré, 71 ans, militante altermondialiste et essayiste, a souvent dit « non », et continue de le faire. « Non » à ses compatriotes maliens, quand, en 2000, elle démissionne avec fracas du poste de ministre de la Culture et du Tourisme qu'elle occupait depuis trois ans pour retrouver sa liberté de parole. « Non » à la communauté internationale (et à l'Occident). « Non » à la mondialisation néolibérale, aux échanges inégaux et au néocolonialisme. « Non » à ce qu'elle appelle « le viol de l'imaginaire », titre d'un livre éponyme publié en 2001 (Fayard) où elle ne propose rien moins que de procéder au « lavage des cerveaux de l'élite politique et intellectuelle africaine ».

Car elle n'en doute pas : « Une autre Afrique est possible, une Afrique réconciliée avec elle-même, disposant pleinement de sa faculté de penser son propre avenir et de produire du sens. » Dans cet esprit, elle a joué un rôle majeur dans l'organisation du volet africain du Forum social mondial qui s'est tenu à Bamako en 2006 et où elle a fustigé les mesures d'austérité imposées à l'Afrique par ses bailleurs de fonds. « Non » encore à la mise au ban par la communauté internationale de Robert Mugabe, le dictateur du Zimbabwe, pourtant affameur de son peuple, ou de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo actuellement incarcéré à La Haye dans l'attente de son procès devant la Cour pénale internationale.

« Oui » pour mieux dire « non »

Dans l'utilisation du « non », Aminata Dramane Traoré ne s'encombre ni de doutes ni de nuances. Pour elle, c'est une évidence, mieux, un crédo : les Occidentaux sont des donneurs de leçons qui font bien pire que ce qu'on reproche aux potentats africains. D'où son « non » à l'opération Serval menée par la France au Mali à partir de janvier 2013 pour stopper la marche des djihadistes d'Aqmi sur Bamako. Pour elle, ce n'est que la volonté de l'ancienne métropole de recoloniser l'Afrique. « On nous a tout simplement volé notre pays », clame-t-elle alors avec vigueur, et tant pis pour la logique si c'est justement cette intervention militaire qui lui permet aujourd'hui de s'exprimer depuis Bamako… Mais pour cette femme issue d'un milieu modeste et formée à l'école française – elle est passée par l'Université de Caen et est docteur en psychopathologie –, les choses sont simples : les Occidentaux sont par nature coupables et les Africains victimes.

Adepte d'un féminisme de combat, elle n'hésite pas à poser sa candidature au poste de secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU) en juin 2016. « Je n'ai peut-être pas la tête de l'emploi, mais je m'invite dans ce débat », lance-t-elle, bravache. Avec son franc-parler habituel, celle qui sait très bien qu'elle n'a aucune chance d'être élue en profite pour dénoncer une ONU « otage des grandes puissances ». « La tâche sera inachevée si nous nous en tenons à la dénonciation des institutions financières en ignorant le bras militaire de la domination ». Donc, « oui » à la direction de l'ONU pour mieux lui dire « non ». On ne changera pas la redoutable Aminata.

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