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Il est huit heures tapante quand je pénètre dans les locaux de Import-export fabric, pour ne voir presque personne, je reste là plantée dans mon ensemble waax pantalon-gilet et chemise blanche à l’intérieur, cappuccino à la main ; je me suis fait mal aux pieds en faisant mon sport et je ne vois nulle part où m’assoir alors que je porte de hauts talons noirs Prada puisque même celle ou celui qui doit être à l’accueil n’est pas là.

C’est un des agents de sécurité qui m’indique la salle d’attente où je m’installe en attendant que Mr le directeur lui-même daigne se pointer, je me rappelle de notre entrevue d’hier, j’aurais dû me douter qu’il ne viendrait pas à l’heure today puisqu’il n’était pas venu à l’heure hier.

Un dimanche matin, on s’était donné rendez-vous à 10h et après dix minutes, il n’était toujours pas là, je me levais pour partir quand je le vis arriver. Je ne l’avais jamais vu au paravent mais un être aussi insolent que lui ne pouvais aller qu’avec une tête pareille, au fait, il s’appelle Mouhamed Moudjitaba Diallo. En mode décontract polo-bermuda-tong en plus et comme je le sentais je me serais ridiculisée si j’étais venue en mode professionnelle, j’avais opté pour une combinaison mi-cuisse kaki plus des sandales plats rouges Pierre Hardy et une sacoche bleu Judith Leiber, pas de maquillage et mes éternels lunettes, pas de macbook, pas de documents, rien.

On ne dirait pas que nous étions là pour le boulot.

-Bonjour m’avait-il lancé en s’asseyant.
-Où étiez-vous jusqu’à cette heure ?

-ça ne vous regarde pas.

-Je n’ai pas de temps à perdre et……….

-Donc commençons me coupe-t-il

-Je vous écoute je lui dis

-C’est vous qui avez une proposition à me faire

-J’ai déjà expliqué aux deux personnes que vous m’avez envoyé le tout et j’ose espérer qu’elles vous ont tout relaté.

-Même les insultes.

-je ne peux pas y revenir, si vous avez des questions ou quelques zones d’ombre là oui je continue sans relever son commentaire.

-Pas besoin vos écrits sont clairs et détaillés, je l’admets et en lisant on peut à peu près connaître le résultat.

-Donc vous admettrez avec moi que vos deux employées sont totalement in qualifiées.

Il sourit, au passage il a une jolie petite bouille.

-Me demandez-vous de les renvoyer ? dit-il en haussant un sourcil.

-Pour ce qui est de l’informaticienne oui, c’est avec elle que je dois travailler la majeure partie du temps et celle que j’ai vu, nous ne pouvons pas respirer le même air.

-Bien. Parlons du contrat.

-Pour ça, je n’ai qu’une seule chose à dire surtout si vous voulez parler du chiffre d’affaires, c’est irréversible, je n’y changerai pas un iota

-Ohh calmos je voulais juste dire que j’étais ok.

-Donc je n’ai plus rien à faire ici dis-je en me levant. Ce n’était même pas nécessaire ce rendez-vous, vous auriez pu me le dire au téléphone.

-Prenez vous en qu’à vous-même, je ne vous ai pas demandé de me raccrocher au nez. Vous avez toujours l’habitude de travailler les dimanches matins ?

Je souris

-ça ne vous regarde pas.

Je m’étais déjà retournée quand je l’entendis me dire
-Je sens que ça va etre une partie de plaisir que de travailler avec vous.

Comme nous étions dans un restaurant au bord de la mer, je suis allée me promener sur la plage………….

-Excusez moi

Cette jeune femme me tire de mes pensées.

-Vous disiez je lui demande alors que j’étais toujours assise dans cette salle d’attente.

-Votre sac là c’est bien un Hermès

-Oui

-Le vrai ? en blanc oh mon Dieu

-Mdrr vous travaillez ici ?

-Oui, je suis Nathalie ravie de faire votre connaissance, j’ai remarqué votre sac de loin

-Je vous l’offre, mais attendez la descente pour venir le chercher ok

-oui d’accord Merci

-Il y a beaucoup d’absents on dirait, j’aimerai bien connaître comment ça se passe réellement ici.

Elle s’est mise à tout me raconter, qui fait circuler les rumeurs, qui sont les plus brillants, les absents, les retardataires, tout, en vingt minutes j’en savais beaucoup plus que ce que j’ai pu découvrir au bout de dix jours avec les documents.

C’est à 8h30 que la réceptionniste est arrivée, Nathalie était toujours avec moi.

Je me suis rendue à l’accueil pour lui parler.

-Bonjour Mlle, veuillez me dresser deux listes une où vous inscrirez toutes les personnes présentes avant ou à 8h, et dans la seconde vous mettrez tous les retardataires en précisant l’heure à laquelle ils sont arrivés, vous en tête.

-Et je peux savoir qui vous êtes pour me donner des ordres.

-Faîtes ce qu’elle vous dit intervient Mr insolent derrière moi qui vient d’arriver.

Je me retourne pour lui lancer un regard noir.

-Très bien Monsieur répond-elle

-Nathalie va vous aider si besoin, et demandez aussi aux agents de sécurité je dis.

Je suis Mr insolent jusqu’à son bureau.

-Quoi me dit-il quand je m’assois.

-Vous m’avez préparé un bureau, non j’en suis sure, vous m’avez trouvé un informaticien ça aussi non, c’est à cette heure que vous venez, c’est comme ça que vous allez donner le ton à vos salariés, avec cette attitude que vous allez partir où, on est pas au Sénégal, ici c’est la guerre on ne, j’abandonne je dis en me levant, j’ai sauvé beaucoup d’entreprises car au-delà de l’informaticienne que je suis j’ai le « Bussiness and enterprise management » dans le sang c’est inné, je ne l’ai appris nulle part et ça combiné à l’informatique me permet de redresser les entreprises les plus proches du gouffre, j’ai à mon compte 99 sociétés redressées et toutes sans exception font parties aujourd’hui des meilleures ; mais cela je ne peux pas le faire seule, je ne suis pas magicienne, c’est le travail de toute une équipe, équipe formée des personnes de votre entreprise, pour que ça marche, si vous n’en voulez pas, ça ne marchera jamais et moi je n’ai pas de temps à perdre, sur ceux …

Je me retourne pour partir

-Stop

Je m’arrête une seconde avant de continuer à marcher.

-Safiatou je n’aime pas me répéter reviens déposer tes fesses ici que je te dise ce que j’ai à dire.

C’est la première personne à m’appeler ainsi, tout le monde m’appelle Betty et ça me plaît bien. Je retourne m’assoir juste pour voir ce qu’il va me dire, je veux en terminer une bonne fois pour toute.

-je vous écoute.

-Après tout ce que tu m’as dit plus besoin de vouvoiement. Il t’arrive parfois de juste te taire et d’écouter ce que les gens ont à dire.

Non mais pour qui il se prend encore, je lève les yeux au ciel.

-Si c’est pour ça qu………….

-ferme là une minute et laisse-moi terminer. J’ignore tout de cette entreprise, c’est mon deuxième jour de travail. On a à peu près le même boulot, j’achète des sociétés en déclin, les redresse avant de les revendre plus chère. À mon premier jour, j’ai reçu ta proposition, mais j’avais une urgence juste après à New York, je suis parti et j’ai donné aux deux filles qui sont venus vous voir les documents que j’ai reçu lors de l’acquisition, je ne savais pas moi-même ce qui se passait réellement puisque le jour où j’ai effectué une visite tout était normal. Pour ce qui est de mes retards aussi ce ne sont pas dans mes habitudes mais je me perds dans cette ville que je ne connaît pas. Et enfin je suis né et j’ai grandi ici même si je suis Senegalo-guinnéen et que je ne comprends pas un mot ouolof, donc arrêtez de m’insulter et je ne sais pas comment sont les entreprises sénégalaises. Je prends aussi bien que toi mon travail au sérieux. Donc si tu veux bien, on va redresser cette entreprise.

Je le regarde pour une fois au-delà de l’être insolent qu’il montre, je crois que j’ai rencontré mon moi au masculin.

-Owkey

-Puisque vous n’avez pas encore de bureau, vous allez rester ici. Nous allons commencer par……

-Stop par rien du tout, c’est moi qui donne les ordres ici

-Je suis le chef

-Pas quand moi je suis là

-Ça ne vas pas le faire

-Non

Il soupire ;

-Trouvons un compromis, on donne nos idées, puis on les classe par ordre de priorité, ça te vas ? je hoche la tête, bien je t’écoute.

-Non vas-y toi puisque t’en avais déjà une

-On commence par le personnel, je vais demander à la réceptionniste de m’envoyer les listes que tu as demandé pour les éplucher.

-C’est bon, c’est ce que j’allais proposer de toute manière.

-Je demande à cette Nathalie aussi de monter tu sembles bien l’apprécier.

-Oh non c’est la première qui sera virée, elle me déballe tout ce qui se passe ici en laissant en plan son travail à une parfaite inconnue juste pour un sac, je n’aime pas les lèche-bottes et nous avons besoin de personnes de confiance autour de nous.

-Tu as raison.

Nous avons passé la matinée, à éplucher les dossiers des personnes, nous ne sommes même pas sortis à l’heure de la pose on a fait monter nos repas. Et à la descente à 5h pm, il en restait encore nous les avons scindés en deux et on a fait le reste du travail une fois rentrer.

Dans la nuit, il m’a appelé en teleconference pour qu’on en discute.

À l’origine, je devais faire un mois là-bas, j’ai fait finalement 45jours, je n’ai jamais été aussi investi dans un boulot ; j’adore ce que je fais bien sûr mais en général je ne m’occupe que de la partie informatique, le reste je leur disait comment faire, les guider et ils faisaient le reste, mais ici c’est autre chose, on fait tout à deux, j’ai été avec Moudjitaba même voir de potentiels acheteurs alors que c’est pas mon boulot, il m’a demandé de rester à la fin mais je ne pouvais pas, depuis 45jours tous mes projets sont en standby et j’ai des comptes à rendre, j’ai déjà rejeté beaucoup de propositions et mon directeur s’en est plaint.

Ça fait quatre jours que je ne travaille plus avec lui et bizarrement, il me manque, qui y aurait cru Mr insolent en personne, notre relation ne s’est pas améliorée après tout le temps passé ensemble hein, la politesse là, c’était juste le premier jour ; on passe notre temps à nous disputer et avec nos deux caractères merdiques, ça ne le fait pas.

Le fixe sonne, en parlant du loup

-hello je réponds

-où t’as foutu le dossier en rouge que nous a remis Nasser

-Bonjour Moudjitaba je vais très bien merci d’avoir demandé tchiiip

-Je t’ai de m’arrêter ton bruit non, je n’ai même pas ton time, où est le dossier.

-C’est comme ça que tu me le demande.

-Safiatou ne m’énerve pas, ne m’oblige pas à venir là-bas.

-Parce que tu sais où je suis peut-être.

-Je t’appelle sur ton fixe non idiote.

-Idiot toi-même je dis en raccrochant. Non mais il se prend pour qui tchiiip, je retire ce que j’ai dit, il ne me manque pas du tout, je l’attends de pied ferme ici, on va voir à qui il parle comme ça.

J’étais entrain de chercher le dossier en question quand je l’entendis garer sa bagnole, j’ouvre la porte avant même qu’il ne sonne à l’interphone, et je vais m’assoir tranquillement à la table de ma cuisine un chocolat chaud à la main.

Il arrive rapidement comme une furie.

-Mais ce n’est pas son altesse royale qui est là, je dis sarcastique

-Safiatou, je n’ai pas de temps donne-moi le dossier que m’en aille

-Mabagn

-quoi ?

-Mani mabagn

-tu sais bien que je ne comprends pas ouolof aussi arrête de te foutre de moi ok.

-lolou mann sama yonn nekoussi.

Il se retourne pour partir vers mon bureau

-Ey où vas-tu comme ça

Il ne répond pas et continue son chemin.

Je descends de la table pour le poursuivre

-Moudjitaba c’est à toi que je parle non

J’arrive à son niveau quand il ouvre la porte.

-Moudjitaba je répéte,

Il se retourne vers moi

-je crois savoir comment te faire taire toi me dit-il en me tirant par le bras.

Il me plaque contre le mur avant de m’embrasser ; ce qui était un baiser furieux au début devient doux, je me surprends même à poser ses mains sur mon torse. Il s’arrête et pose son front contre le mien, mue par une force invisible, je le tire par le col de sa chemise avant de l’embrasser à mon tour.

Il se détache, prend le dossier qui était en haut de la pile, me fait un clin d’œil et me lance un Au revoir qui sonnait plus comme une menace avant de rebrousser chemin.

Quelqu’un peut m’expliquer ce qui vient de passer, oh my Gosh je viens d’avoir mon premier baiser, il faut que j’appelle Khadi

Le lendemain matin, je me lève lasse du lit, en me regardant dans le miroir, j’ai retenu un cri, je suis affreuse, affreuse, avec pleins de cernes, je n’ai pas dormi de la nuit, rêvant de lèvres roses, de teint chocolat et de torse musclé.

J’ai déjà dit que je détestais Mr insolent, eh bah je le déteste et je maudis le jour où je l’ai rencontré.

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