Victime d’esclavage domestique, Astan avait 13 ans quand une cousine éloignée l’a ramenée du Mali pour l’exploiter. Le procès se tenait ce lundi.

« Elle me réveillait à 6 heures, je passais le balai sans faire de bruit. Après je faisais les petits-déjeuners, j’emmenais le petit à l’école, j’allais faire les courses. Je ne devais pas mettre plus de trente minutes si elle disait trente minutes… Elle me surveillait tout le temps. Je faisais la cuisine, je travaillais jusqu’au soir. » Exploitée des années durant à Châtenay-Malabry, Astan, 31 ans, a raconté ses journées de « travail forcé » à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre ce lundi. Un récit entrecoupé de sanglots qu’elle a livré au procès de celle qui l’a exploitée il y a quinze ans.

Mais la prévenue était absente. Depuis 2011, cette femme de 54 ans se dérobe quand la justice la convoque pour répondre de travail dissimulé, soumission à des conditions de travail et d’hébergement d’un mineur indignes. Après un ultime report du procès en septembre dernier, le tribunal a rejeté une nouvelle excuse sans justification et ouvert le procès.

« Je mangeais les restes, mais c’est elle qui me disait quand je pouvais manger »

Quand elle arrive en France avec cette cousine éloignée de sa famille malienne, Astan a 13 ans. « Avec mon père, ils s’étaient mis d’accord. Je venais en France pour avoir une vie meilleure, pour faire des études. Mais dès le jour où on est arrivé, je voulais me reposer, elle a dit Non, ici on ne s’assoit pas et l’enfer a commencé. »

L’adolescente ne parlait pas le français, n’a pas été scolarisée, elle est devenue bonne à tout faire, sans salaire, sans papiers, sans chambre pour se reposer et sous la pression constante de la cousine éloignée. « Je mangeais les restes, mais c’est elle qui me disait quand je pouvais manger. Elle me terrorisait, cette femme », répond Astan à une question de la présidente.

Dans cette affaire « hors normes par le délai entre les faits et l’audience », le procureur a réclamé une peine d’emprisonnement de 15 mois avec sursis et 6 000 € d’amende. Pour lui, le « travail forcé » est incontestable. « Au lieu de vivre comme une enfant, d’aller à l’école, d’avoir des amis, des loisirs, elle a fait le ménage », a résumé le procureur. « Elle était exploitée jusqu’à 15 heures à 18 heures par jour », d’après Me Juliette Vogel, l’avocate d’Astan et du Comité contre l’esclavage moderne, partie civile au procès. Le jugement sera rendu le 19 février.

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