Mamadou C. est né en 1990 à Tambacounda, située au sud est du Sénégal. Mamadou parle le wolof et du fait de ses années d'errance, son français est encore fragile.

Dans son enfance, Mamadou est hébergé par sa grand mère, car ses deux parents sont décédés avant l'âge de 5 ans. Son beau père vit dans un autre quartier, avec trois enfants, deux garçons et une fille.

Adolescent, il aime jouer au basket. Il accompagne aussi souvent sa grand mère sur les marchés pour l'aider à faire les courses. À partir de 12-13 ans, Mamadou part régulièrement avec ses amis en forêt. Ils se baignent dans les mares formées par des trous creusés par des pelleteuses pour récupérer le sable pour les constructions. «C'est là-bas que j'ai commencé à faire l'amour, avec des amis du quartier. Mais en ce temps-là, on ne connaissait pas l'homosexualité. Certains garçons ne veulent pas et il faut se cacher pour faire l'amour.»

Il est souvent interpellé par ses amis du quartier: «Pourquoi tu n'as pas d'amoureuse?». Et Mamadou de rigoler et de leur dire qu'il n'est pas prêt pour les filles. «Les filles, c'est pour après. Il ne faut surtout pas dire que tu ne le fais pas avec des filles, parce qu'ils vont dire que tu es gay.»

Vers l'âge de 18 ans, en 2008, Mamadou fait la rencontre de Djibril*. Il le décrit comme plus jeune et plus petit que lui, mais il dit aussi qu'il est plus musclé, avec une peau beaucoup plus sombre. Parfois, ils se voient très souvent, parfois moins, car le père de Djibril* lui demande parfois de travailler avec lui. «J'étais fidèle mais je pense que Djibril* le faisait aussi avec d'autres garçons.» Pour Mamadou, ce n'est pas facile de traduire en français les sentiments qu'il éprouve pour Djibril. Je crois comprendre que le plus important est qu'ils se sentaient complices. Ils emportent parfois des matelas pour dormir à la belle étoile. Mamadou se souvient en riant de ces soirées où les discussions pouvaient durer des heures et des heures. Ils sont restés ensemble pendant quatre ans, jusqu'en 2012.

«Si je retourne dans mon quartier, je sais que quelqu'un va me tuer.»

Puis tout bascule au printemps 2012. Souvent Mamadou dort chez Djibril*. Mais un jour, le frère de ce dernier, qui ne dort pas souvent à la maison, les surprend dans le même lit. Il se met à crier: «Ah, c'est ça que vous faites maintenant!» Mamadou raconte la suite: «Je suis sorti par la fenêtre, j'avais juste un short. Je suis parti dans un autre quartier, pour voir un ami. Je lui ai dit que j'étais parti en forêt, que mes vêtements étaient gâtés par la pluie et je lui ai demandé de me passer un pantalon et un T-shirt. Je suis reparti chez ma grand mère pour aller chercher des affaires. Mais en m'approchant de la maison, j'entends des gens parler sur moi. Je pars et je croise mon oncle, qui passe en vélo. Il vient pour m'attraper et se battre avec moi. Mes deux frères arrivent aussi, et la bagarre a commencé.» Mamadou réussit à s'enfuir. «J'ai couru, couru couru, puis j'ai marché jusqu'à un autre quartier où je savais qu'ils ne pourraient pas me trouver.»

Dans ce quartier, il rencontre un groupe de Baye Fall, des musulmans, qui vivent surtout de charité publique en allant chanter dans les maisons. Mamadou leur explique qu'il n'a rien à manger et ils vont l'aider pendant quelques jours. Mais il décide de quitter le Sénégal. «Si je retourne dans mon quartier, je sais que quelqu'un va me tuer.»

Il arrive à Paris début octobre Gare de Lyon. Il demande aux gens où il peut aller dormir, rencontre un Malien, qui l'emmène à Jaurès. «J'y dors la première nuit et pendant environ un mois et demi». Puis Mamadou rencontre un Sénégalais, qui l'inscrit pour le 115. «Je dors dans un foyer, mais il faut appeler le matin très tôt, à 5 heures, pour la nuit suivante. Parfois je me réveille plus tard, vers 7 heures et j'appelle mais souvent ça ne passe pas. Je dors parfois dehors. Ça dure environ quatre mois.» Ce n'est que le 2 mars 2016 que sa demande d'asile est enregistrée à la préfecture de Paris. À partir du mois d'avril, Mamadou perçoit l'indemnité de demandeur d'asile. Pour une personne seule, elle de 6,80€ par jour, auxquels s'ajoute 4,20€ si aucune solution d'hébergement n'est proposée au demandeur d'asile. Un peu plus de 330 euros pour se loger, se nourrir, se vêtir.

Mamadou n'a qu'une espérance, celle de pouvoir rester en France. «Je ne peux pas retourner au Sénégal. Le père de Djibril* est très religieux et ses frères me tueraient. Je pense souvent à Djibril. Mais aujourd'hui j'ai envie de tout oublier, de laisser tout cela derrière moi. J'attends qu'on me donne les papiers pour rester ici définitivement. C'est la seule chose à laquelle je pense quand je me réveille.»

Depuis sa fuite du Sénégal, Mamadou n'a plus eu aucune nouvelle de Djibril*.

*Les prénoms ont été changés

 

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