En 2017, pour la première fois de l'histoire, un quart des mannequins engagés pour les défilés du printemps à New York, Paris, Londres et Milan n'étaient pas blancs (25,4%), selon un rapport du site spécialisé sur la mode The Fashion Spot, une référence dans le milieu. Parmi ces mannequins non blancs, 10,3% étaient noirs et 7% asiatiques, sur 299 défilés et 8.832 apparitions de modèles. Et en 2016, parmi les 20 top modèles les mieux payés au monde, il y en avait trois non blanches.

Un métier en expansion

Les professionnels sont plutôt optimistes, jugeant leur métier en "pleine expansion" à tous les niveaux. Les mannequins africains "s'exportent" bien et il y a aussi beaucoup de travail à domicile : les capitales africaines sont devenues des rendez-vous importants de la mode, avec des "Fashion Week" et des défilés internationaux à Abidjan, Lagos, Nairobi, Dakar, Capetown, Yaoundé, Johannesburg, Accra... Des shows notamment retransmis sur la chaîne Fashion Africa TV, consacrée presque uniquement aux défilés en Afrique.

"La mode pèse dans les économies et ici on n'a plus rien à envier à l'Occident, on peut tout faire", souligne le célèbre styliste de Côte d'Ivoire, Reda Fawaz, selon qui près de 300.000 personnes travaillent dans le secteur dans son pays. "Les mannequins sont intégrés dans le système. Il y en a pour les défilés, pour la pub, pour les visuels... Nous (créateurs), on essaie de les valoriser. Et ils peuvent vivre" de leur travail", assure-t-il.

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La promotion de la diversité

La croissance de la mode en Afrique a fait naître une nouvelle demande pour des mannequins femmes aux formes plus arrondies. "Il y a des shows avec des mélanges de morphologie. Certains créateurs estiment que les mannequins qui les font vendre sont celles qui répondent aux normes de leur clientèle", explique Fatim Sidimé, qui a monté une agence de communication et de mannequinat : "la femme africaine est en général très arrondie" et certains optent ainsi pour des mannequins "plus en chair".

Indépendamment de la couleur de peau, "pour les défilés haute couture, on va aller vers des mannequins filiformes, grandes et minces", souligne Fatim Sidimé. Mais "il faut faire la promotion de la diversité : c'est une terre multicolore, il n'est pas question qu'on marginalise une couleur de peau", souligne-t-elle.
Des cours pour devenir top model

"Allez ! On regarde droit devant soi. On jette la jambe ! On garde la ligne !", ordonne le chorégraphe Franck Akesse aux apprentis-mannequins, lors d'un cours de défilé de l'agence de Fatim Sidimé, top model ivoirienne. Les aspirants aux podiums paient 23 euros par mois pour cette formation (6 mois), avec l'espoir de vivre plus tard de ce métier.

"Depuis que je suis toute petite, j'ai toujours voulu être mannequin", assure Kelly Godo, 21 ans, étudiante en Master de droit. "J'aimerais bien devenir une nouvelle Naomi Campbell ou une Awa Sanoko (mannequin ivoirienne, Miss Model of the World 2015)." "Il faut apprendre et travailler mais j'espère que ça va marcher", dit Kelly Godo, qui a le soutien de sa famille.

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Défiler "pour rien ou pour des promesses" en Afrique

Les cachets pour les défilés sont variables. Une mannequin reconnue peut toucher entre 150 et 300 euros par créateur. Mais le métier en Afrique n'est pas toujours rémunérateur. Bien que courtisé par les créateurs et marques, l'Ivoirien Jean-Paul Daffot ne peut vivre uniquement de la mode et doit exercer un deuxième métier. "Je suis DG (directeur général) d'une société de construction et je suis top model", affirme-t-il, en évoquant la concurrence des amateurs et des réseaux sociaux qui font baisser les cachets.

"À part certains créateurs ou grandes marques, on a parfois du mal à se faire payer. Certains tentent de profiter, paient mal et tirent les cachets vers le bas. Il faut organiser tout ça et ça ira mieux", explique Mandjalia Gbané, Miss Côte d'Ivoire 2017. Des mannequins en Afrique peuvent défiler pour 15-30 euros voire "pour rien ou des promesses". "Il y a un avenir dans le mannequinat (mais) il fallait structurer la profession et c'est ce qu'on fait en ce moment", commente Fatim Sidimé, qui rencontre régulièrement des créateurs, des mannequins et même des politiciens. Ce métier, "c'est dur mais c'est comme ça dans tous les secteurs". Et si certains mannequins ne font que "2 ou 3 shows" en un mois, ils peuvent toutefois être payés "plus qu'un citoyen lambda", souligne-t-elle.

Lors des Awards africains du mannequinat à Abidjan, la ministre ivoirienne de l'Éducation nationale, Kandia Camara, a appelé de ses vœux la création d'une école de mannequinat, soulignant que c'était un secteur pourvoyeur d'emplois.

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