Il l’appelle Antoine. Martin Lasarte, ancien entraîneur à la Real Sociedad, a porté le jeune Griezmann à ses débuts. L’Uruguayen de 57 ans n’a pas oublié son ancien protégé, arrivé au club à 14 ans.

Deux équipes jouant en contre-attaque… comme le promet votre ancien poulain, le match risque-t-il d’être “chiant” ?

MARTIN LASARTE. Si c’est ce qu’Antoine entend par là, en effet ce n’est pas un match qui va laisser la place aux étincelles. Cela va être très tactique, très étudié. Il va falloir prêter attention aux petits détails des deux côtés : ne pas faire de fautes près de la surface ou des attaques mal organisées qui peuvent être utilisées par l’équipe adverse pour contre-attaquer. Charge aussi à l’Uruguay de ne pas laisser de l’espace aux joueurs rapides comme Antoine ou Mbappé. Si les deux équipes jouent en contre-attaque, aucune des deux ne va faire de sorties désespérées parce que la vertu principale de ce jeu consiste à attendre avant de sortir.

A quel point l’absence probable de Cavani va-t-elle peser ?

C’est un coup dur car Cavani est un joueur très important, un des meilleurs attaquants au monde. Mais la plus grande qualité de l’Uruguay est l’équipe, ce ne sont pas les individualités. Le joueur qui remplacera Cavani saura prendre sa place, avec d’autres qualités. On peut jouer différemment.

Restez-vous en contact avec Antoine Griezmann ?

Cela fait un moment qu’on ne s’est pas parlé, on s’est simplement écrit pour nos anniversaires en mars qui tombent à un jour d’intervalle.

Quelles qualités avez-vous détectées chez lui il y a près de 10 ans à la Real Sociedad ?

Sur le terrain, il prenait des décisions d’adulte, avec une grande intelligence, il n’avait rien d’un enfant. Il avait une grande détermination, un grand désir de victoire. Malgré ses qualités, il restait après les entraînements pour améliorer sa frappe, ses têtes, son coup franc. Il avait un pied gauche excellent. Un bon jeu aérien même s’il n’est pas grand. Il était très jeune et nous, l’équipe dirigeante et les joueurs plus âgés, on a tout fait pour le préserver parce que c’était un enfant dans un monde d’hommes qui cherchent leur propre intérêt. Aujourd’hui, le personnage prend parfois un peu le dessus : il rit, il fait une blague pour la caméra mais il ne faut pas oublier son esprit, sa détermination. C’est un joueur très compétitif.

Qu’est que lui a apporté Diego Simeone à l’Atlético de Madrid dans sa progression ?

L’intensité. Il l’avait déjà avec nous (NDLR : à la Real Sociedad) mais l’Atlético est un club de grande intensité et Antoine en a bénéficié.

Antoine Griezmann a paru manquer de fraîcheur au début de ce Mondial, qu’en pensez-vous ?

Plusieurs joueurs qui évoluent en Espagne ont joué à un niveau un peu en dessous de ce qu’on attendait d’eux, c’est le cas de Luis Suarez aussi… et de l’équipe de France par ailleurs. Mais je trouve qu’il fait un bon mondial. Il a mieux joué en huitièmes. A chaque match, il s’est amélioré. Le grand spectacle de Mbappé a un peu tout éclipsé, mais Antoine a fait un bon match : il a réussi son pénalty, réalisé de bons centres, montré une bonne mobilité.

Si vous deviez donner un conseil à Antoine Griezmann avant d’affronter l’Uruguay, que lui diriez-vous ?

Surtout ne joue pas (rires) ! Ce serait bien déplacé de ma part d’émettre un conseil. Si je lui parle, c’est après le match, pour le féliciter, lui dire que je suis fier de lui, très heureux de voir sa trajectoire, sa réussite.

Que pensez-vous de sa décision de rester à l’Atlético de Madrid ?

Cela témoigne d’une décision mature, réfléchie. Il ne s’est pas laissé emporter par l’opinion extérieure ou le fait de jouer aux côtés de Messi ou Suarez au Barça. Il a décidé de rester dans son équipe actuelle qui est excellente aussi parce qu’il s’y sent bien.

Le trouvez-vous vous aussi « à moitié uruguayen » comme il le dit ?

Il boit du maté, il célèbre les buts à l’uruguayenne, on l’a vu avec un maillot de l’Uruguay. Il dit qu’il est pour Peñarol (NDLR : club de première division), il écoute de la musique de notre pays. Le peuple uruguayen a beaucoup d’affection pour lui. Au fond, je pense qu’il était tellement jeunot et tellement éloigné de ses parents quand il est arrivé à la Real Sociedad, qu’il s’est approché de nous, les Uruguayens, parce qu’il a dû nous percevoir comme des personnes soudées. On mange ensemble, on regarde les matchs ensemble. Ça lui a plu. Mais dire qu’il joue comme un Uruguayen serait irrespectueux pour le football français. Ce qui est certain, c’est qu’il a toujours eu cette intensité, le fait de ne pas s’avouer vaincu. Peut-être avons-nous eu notre influence là-dedans, je ne sais pas.

Quelles sont ses pistes d’amélioration ?

Il est à un moment où tous ses talents sont proches du maximum : le physique, la tactique, la technique. Il joue dans une sélection nationale importante, dans un club espagnol important, avec l’obligation de toujours gagner. Tout ça l’oblige à frapper avec toujours plus de précision, à aller plus vite, à collaborer davantage défensivement. Son jeu aérien s’est beaucoup amélioré. Je l’ai connu tout jeune alors je le trouve meilleur en tous points.

Peut-il gagner le Ballon d’or ?

Il le peut. Antoine fait partie des dix meilleurs joueurs du monde. Ensuite, cela dépendra de la prestation collective des équipes où il évolue.

A quel poste est-il le meilleur ?

J’adore quand il joue en attaque avec deux autres attaquants. Il a une grande capacité à marquer des buts, plus que ce qu’il n’en marque ! Parfois, quand il est plus en retrait, je trouve qu’il arrive un peu fatigué dans la surface alors je préfère quand il joue plus haut. Il a un bon jeu aérien, une bonne frappe en lisière de surface. Il a une capacité à marquer du pied droit aussi. Je le vois comme un buteur, en tandem avec un autre joueur avec qui il se comprend. Avec Cavani par exemple (rires) !

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