La Tanzanie a vu naître sur son sol la plus grande manifestation consacrée à la mode en Afrique de l'Est ainsi que des stylistes de renom comme Doreen Mashika, alors même que le pays ne compte aucune école de mode et que son industrie textile reste fragile. À peine sa carrière de styliste entamée après des études de médecine, Mustafa Hassanali lance la Swahili Fashion Week (SFW) en 2008 sur les conseils d'un ami. « Afin de partager mon expérience acquise en participant à des Fashion weeks à l'étranger, j'ai pensé que le moment était venu de créer une plateforme où nous pourrions célébrer la mode tanzanienne », se remémore Mustafa Hassanali, qui, las d'attendre un tel évènement dans son pays, en a imaginé un pour professionnaliser toute la filière. À l'époque, les rares défilés étaient assimilés à du divertissement et le public s'intéressait davantage aux mannequins qu'aux collections. « J'ai réalisé que cette manifestation devait promouvoir non seulement les créateurs nationaux mais également ceux de toute la région où l'on parle la langue swahili », précise le fondateur. D'ailleurs ce dernier ne dévoile pas ses collections durant la SFW, car il préfère mettre en valeur le travail des stylistes qui participent à son évènement. Malgré le peu de soutien, de financement et de fréquentation à ses débuts, Mustafa Hassanali se démène comme un beau diable pour faire de la SFW la référence de la mode dans cette partie du continent africain. Il a même accueilli le super-modèle Naomi Campbell dès 2009. Sensibilisé au « Made in Tanzania » par la SFW depuis une décennie, le public en tire aujourd'hui une fierté nationale et change timidement ses habitudes de consommation.

La reconnaissance des stylistes tanzaniens ne se limite pas à la sous-région

La dernière édition, tenue à Dar es Salaam au musée national de Tanzanie en fin d'année 2017, a débuté par une conférence inaugurale sous les hospices du ministère de l'Industrie, du Commerce et de l'Investissement, preuve de l'importance acquise par l'évènement. Il y a été notamment rappelé que l'industrie locale de la mode génère des revenus non négligeables et que les pays de l'Afrique de l'Est doivent protéger leur marché textile, ainsi que produire davantage de tissus. Ensuite, une trentaine de stylistes locaux reconnus à l'international comme Kemi Kalikawe ou Christine Zamba et treize créateurs étrangers, de l'Ougandaise Martha Jabo au Zimbabwéen Ishmael Tsakatsa, ont montré leur dernière collection durant trois jours. Depuis quelques années, la SFW met l'accent sur le développement durable à l'image des parapluies recyclés de Ailinda Sawe, la grande dame de la mode tanzanienne depuis quatre décennies, ou du partenariat entre l'association Wild Aid avec trois stylistes établis, Farouque Abdela, Doreen Mashika et Jamilla Vera Swai, afin d'attirer l'attention sur le trafic d'ivoire. Enfin, pour la première fois de l'histoire de la SFW, le prix général a été attribué à deux créateurs talentueux, Emmanuel Kisusi et Mary Immaculate Gervace. De quoi encourager l'infatigable Mustafa Hassanali : « Il faut continuer à aller de l'avant en travaillant à relier nos fashion weeks régionales, tout en s'inspirant des meilleures pratiques internationales, de sorte à attirer les principaux stylistes africains et les professionnels étrangers. »

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