Pleurer une fois par semaine pour une vie sans stress. Ce conseil qui vient du Japon n’a aucun fondement scientifique. Pourtant, ils sont nombreux au pays du Soleil Levant à participer à des séances collectives de pleurs pour évacuer le stress et les angoisses, selon le site Japan Times. Plus près de nous, ne dit-on pas «pleure un coup, ça te fera du bien» ? Deux spécialistes nous expliquent pourquoi l’idée n’est pas tout à fait vraie.

«Je ne pense pas que pleurer une fois par semaine soit très bon pour la santé mentale», affirme Florian Cova, maître assistant en philosophie et psychologie au Centre en sciences affectives de l'université de Genève (Suisse), lorsqu'on l'interroge au sujet de la thérapie nippone.

L’idée selon laquelle les larmes permettent d’évacuer les sentiments négatifs ne date pas d'hier, elle était déjà partagée par Sigmund Freud à la fin du XIXe siècle. Il faut attendre les années 1980 et une étude américaine pour en avoir des preuves scientifiques. Ainsi, en 1982, le biochimiste William Frey prouve que le contenu en hormones du stress des larmes émotionnelles, c’est-à-dire celles que l’on verse quand on est triste, est différent de celui d'autres larmes, de celles qui coulent quand on épluche un oignon, par exemple. Il n'en faut pas plus au biochimiste pour assurer que cette concentration en hormones prouve que pleurer permet au corps de se libérer de ce qui est mauvais pour lui.

«Cela n’a aucun sens», lâche d'emblée Ad Vingerhoets, chercheur en psychologie à l'université de Tilburg (Pays-Bas) et auteur des livres Why Only Humans Weep (Pourquoi seuls les humains pleurent) et Adult Crying (Les Pleurs de l'adulte). Le chercheur, auteur également de plusieurs études scientifiques sur le sujet, rejette tout argument affirmant les bienfaits physiques des pleurs. «Les hormones du stress sont également présents dans la salive. Le fait qu’il y en ait indique seulement que l’on est stressé lorsque l’on pleure. De plus, la quantité de larmes versées lors d'une crise de pleurs ne permettra pas d’évacuer tout ce stress», affirme-t-il.

Des résultats contradictoires

Les études déclaratives ou basées sur la tenue d’un carnet de bord montrent pourtant que verser des larmes est une expérience cathartique. Par exemple, dans une étude menée par le neuropsychologue canadien Dalbir Bindra en 1972, les étudiants déclarent se sentir mieux après avoir pleuré. De même, dans la recherche de William Frey, les adultes suivis pendant trente jours notent également se sentir mieux après une crise de larmes. En 1986, les chercheurs américains Kraemer et Hastrup vont jusqu'à affirmer que pleurer peut être associé à une diminution de la dépression.

«Quand on demande aux gens s’ils se sentent mieux après avoir pleuré, ils répondent oui en général, mais quand on les soumet à des tests en laboratoire pour mesurer le sentiment, on n’a pas les mêmes résultats», résume le maître assistant en philosophie et psychologie, Florian Cova. Plus précisément, quand les scientifiques exposent les individus à un film dramatique et mesurent leurs réactions physiques, on observe que les émotions négatives augmentent chez ceux qui versent des larmes.

Tout dépend de la situation

Face aux nombreuses disparités dans les résultats sur les bienfaits psychologiques des pleurs, les chercheurs Ad Vingerhoets et Lauren Bylsma ne se posent plus la question de savoir si les larmes font du bien, mais se demandent plutôt sous quelles conditions elles apportent du réconfort.

Ainsi, en 2008, ils mènent une étude sur 35 pays et 5000 individus, et récoltent les données sur chaque épisode de pleurs : durée, raisons, lieu, présence ou non de personnes extérieures ainsi que leurs réactions. «On remarque alors que quand les pleurs sont causés par une situation sur laquelle on ne peut agir - comme un décès - les larmes ne soulagent pas. Elles le font quand la situation dépend de nous, par exemple après une dispute», souligne Ad Vingerhoets.

De plus, selon le chercheur, ce ne sont pas les pleurs qui soulagent, mais bien leurs conséquences. «Si nous recevons un soutien émotionnel en réponse à nos larmes, nous nous sentirons mieux. Tout comme le bébé qui geint pour appeler sa mère, nous pleurons pour montrer que nous allons mal», affirme-t-il. Et le docteur ès pleurs de conclure : «Pleurer n’affecte pas le bien être d'une façon positive ou négative. Sinon les personnes dépressives - qui pleurent souvent et ont le plus besoin d'être soulagées - iraient mieux. Or les recherches démontrent que non».

FacebookTwitterFacebookLinkedInPinterest