Le juge président Cuno Tarfusser n'était visiblement pas très fier de la décision prise par ses collègues juges ce jeudi contre Charles Blé Goudé. Le dernier ministre de la Jeunesse et de l'Emploi du Président Laurent Gbagbo avait souhaité prendre la parole après le passage de ses avocats pour donner plus de détails sur les accusations du procureur. La cour a refusé d'accéder à cette demande du leader des jeunes patriotes pro-Gbagbo.

Cuno Tarfusser, un juge dissident très mordant...

Cuno Tarfusser, le juge Président de la CPI, en charge du procès Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, s’est offusqué de la décision de ses collègues qui ont refusé la parole à Charles Blé Goudé ce jeudi, dernier jour des plaidoiries de ses avocats. L’italien a évoqué « une violation des droits de l’accusé » dans sa dénonciation de cette décision extraordinaire de ses collègues.

La procureur Bensouda et son équipe ont en effet déposé une requête contre la prise de parole de Charles Blé Goudé, avançant « qu’il ne serait pas approprié et qu’il serait inutile que M. Blé Goudé fasse une déclaration à ce stade de la procédure.» Cette position de Fatou Bensouda est soutenue par la représentante des victimes.

La chambre, à la majorité, pense qu’une déclaration sans prêter serment de M. Blé Goudé à ce stade de la procédure pour sa défense est en contradiction avec l’article 67.1.H. Le collège de juges estime que M. Blé Goudé, à traverse son équipe de défense, a eu largement la possibilité de présenter tous les arguments et qu’il ne serait pas approprié pour l’accusé d’ajouter des éléments factuels à ce stade. Pour ces raisons « la chambre refuse de donner l’autorisation à M. Blé Goudé de prononcer une déclaration sans prêter serment. »

Pas du tout d’accord avec ses collègues, le juge président Cuno Tarfusser a déclaré : « Je suis en fort désaccord avec la décision de la majorité de ne pas autoriser M. Blé Goudé à prononcer une déclaration devant cette chambre. Je suis convaincu que s’adresser à son juge est un droit fondamental inaliénable pour chaque accusé. La chambre a le pouvoir de discrétion à pouvoir limiter, identifier le moment approprié et les modalités que doit suivre une telle déclaration. Ce pouvoir ne va pas jusqu’à empêcher que cette déclaration puisse être donnée. En d’autres termes, et une fois que l’accusé à exprimé sa volonté d’exercer ce droit, les juges ne peuvent se prononcer que sur la manière dont il va le faire et à quel moment il va le faire. »

Le juge président Cuno Tarfusser égratigne ses collègues sur le cas Blé Goudé

Le juge italien va plus loin en évoquant l’article 67 du droit de l’accusé disant à son point H son droit : « de prononcer une déclaration orale ou écrite sans prêter serment pour sa défense. »Cuno Tarfusser estime que ses collègues ont fait une interprétation trop étroite du chapeau des garanties minima accompagnant cet article 67.1 en son point ‘H’, ce qui est "inacceptable" pour lui, parce que dit-il : « cela va au-delà des limites temporaires, limite simplement la portée d’un tel droit et le limite au respect de ce droit qui concerne les charges. »

L’Italien affirme aussi être surpris par la « véhémence avec laquelle le procureur à fait objection à cette demande de déclaration. À la lumière de ses déclarations et obligations de mener une enquête de manière à déterminer la vérité, le procureur à mon avis devrait plutôt se féliciter qu’un accusé choisisse de présenter sa propre perspective des événements, ce qui est quand même sujet des charges qui sont portées contre lui. »

Toujours selon l’avis du juge « la majorité des juges et l’accusation semblent spéculer sur le contenu supposé et la portée de cette déclaration si elle était autorisée. L’accusation, en allant aussi loin, se réfère à un article de journal qui semblerait valider la substance de ses craintes. »

Le juge Cuno Tarfusser considère que « que Blé Goudé aurait été privé d’un de ses droits minimaux garantis, le droit de s’adresser à ses juges pour sa défense…. » Plus loin, il rajoute que « cette décision de ses collègues est la violation d’un droit fondamental de l’accusé. »

Cette dernière phrase clôturait la séance du jour qui se trouve être la dernière à ce stade du procès. Les juges vont maintenant se réunir et décider dans les jours ou semaines à venir de la libération ou non du duo Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

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