Après la remise d'un rapport controversé sur la restitution par la France d'œuvres d'art africain, le chef de l'État a également proposé, ce vendredi, de réunir à Paris au premier trimestre 2019 l'ensemble des partenaires africains et européens pour définir le cadre d'une «politique d'échanges» d'œuvres d'art.

Face à la polémique, Emmanuel Macron a décidé de restituer «sans tarder» 26 œuvres réclamées par les autorités du Bénin, des prises de guerre de l'armée française en 1892, a annoncé ce vendredi l'Elysée, après la remise d'un rapport sur la restitution par la France d'œuvres d'art africain. Le chef de l'État, qui s'était engagé l'an dernier à étudier ces restitutions, propose aussi de «réunir à Paris au premier trimestre 2019 l'ensemble des partenaires africains et européens» pour définir le cadre d'une «politique d'échanges» d'œuvres d'art.

Dans ce rapport remis au président de la République, deux experts proposent d'amender le code du patrimoine pour permettre de rendre à des États africains des œuvres d'art, actuellement dans les collections de musées français. L'historienne de l'art française Bénédicte Savoy et le chercheur sénégalais Felwine Sarr, mandatés par Emmanuel Macron pour procéder à de vastes consultations en France et en Afrique, lui remettront vendredi un rapport sur ce sujet.

Ce volumineux document (250 pages) recommande «un accord bilatéral entre l'État français et chaque État africain concerné» qui «prévoit, par exception au code général de la propriété des personnes publiques et au code du patrimoine, la restitution de biens culturels, et notamment d'objets des collections de musées, sortis de leur territoire d'origine pendant la période coloniale».

Un nouvel article clé serait ainsi rédigé: «Un accord bilatéral de coopération culturelle conclu entre l'État français et un État africain peut prévoir la restitution de biens culturels, et notamment d'objets des collections de musées, transférés hors de leur territoire d'origine pendant la période coloniale française.»

Le rapport et la décision de président attendus avec inquiétude dans le milieu des musées

Le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, le président français avait annoncé la mise en œuvre dans un délai de cinq ans de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. Dans les milieux des musées, ce rapport et la décision du président sont attendus avec inquiétude. Certains musées, comme le Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ont en effet de très importantes collections africaines.

Ce sera à Emmanuel Macron de suivre ou non, ou de tempérer, les propositions du rapport, dont la mise en œuvre risque d'être complexe, tant est difficile la définition d'une spoliation dans un passé reculé.

Entrés dans les collections nationales, les dizaines de milliers d'objets d'art ne peuvent officiellement pas en sortir. Ils obéissent à trois principes inscrits dans le droit français: inaliénabilité, imprescriptibilité et insaisissabilité.

70.000 des 90.000 objets actuellement en France se trouvent au musée du Quai Branly

Le rapport des deux experts ne propose pas de contourner la loi mais de la changer. «Nous proposons une modification du code du patrimoine qui permette de prendre en compte tous les cas de figure et où le critère du consentement peut être invoqué», déclare Felwine Sarr dans un article mis en ligne mardi soir par le quotidien Libération .

Sur quelque 90.000 objets actuellement en France, 70.000 se trouvent au Quai Branly. Les deux tiers ont été «acquis» durant la période 1885-1960, ce qui correspond à un peu plus de 46.000 objets, selon le décompte de Libération. Pour que le processus puisse s'enclencher, précise le rapport, «il faudra qu'une demande émane des pays africains concernés, grâce à l'inventaire que nous leur aurons envoyé».

 

Ce rapport ne fait pas l'unanimité.

Les spécialistes ne s'accordent pas entre eux sur ce qu'on doit entendre comme spoliations lors de la colonisation, craignent des surenchères politiques et soulignent la difficulté de restituer des œuvres quand les royaumes et les pays qui les possédaient ont disparu. L'évolution de la législation française pourrait avoir des influences pour les collections africaines dans d'autres anciennes puissances coloniales, comme le Royaume Uni, la Belgique, le Portugal, l'Allemagne, l'Italie car 85 à 90 % du patrimoine africain serait aujourd'hui hors du continent.

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