Pas après pas, le mémorial Thomas Sankara se concrétise. Un cap a été franchi dans la matinée du 2 mars 2019 avec la découverte de la statue géante du président révolutionnaire et des 12 bustes des compagnons martyrs assassinés le 15 octobre 1987, en présence du président Roch Kaboré et de l’ancien président ghanéen et ami du président défunt. D’une hauteur de 5 m montée sur un socle de 3 mètres de haut, la statut trône au conseil de l’entente, autrefois lieu de sang et de larmes, aujourd’hui lieu de recueillement et d’espoir.

Le 15 octobre 1987 dans l’après midi, crépitements d’armes et sang versé au conseil de l’entente de Ouagadougou. Le président Thomas Sankara et 12 de ses compagnons étaient froidement assassinés. “Au moment ou leurs bourreaux commettaient l’irréparable , c’est surtout un projet de société largement en avance sur son temps qu’ils enterraient pour faire place à ce qu’ils qualifieraient de rectification”, a douloureusement rappelé le président du Comité international du mémorial Thomas Sankara, le colonel à la retraite Bernard Sanou.

32 ans après, alors que l’on commémore le centenaire du Burkina Faso, la réhabilitation du président Thomas Sankara se poursuit et se matérialise avec la découverte de sa statue géante et des 12 bustes des compagnons tombés avec lui. Une statue de 5 mètres en ronde bosse symbolisant le Capitaine Thomas Sankara entièrement réalisée en bronze. L’oeuvre est montée sur un socle de 3 mètres de haut en forme de pyramide de quatre faces comportant chacune trois bustes des 12 camarades fauchés avec le capitaine président.

C’est là, une des étapes du vaste projet du mémorial porté par le Comité international. C’est donc en ce même lieu qu’il a choisi pour faire vivre de nouveau le président révolutionnaire. Le choix du site n’avait pas rencontré l’assentiment de certains acteurs. Mais pour le colonel à retraite et président du comité international, c’est un lieu retenu au regard de son caractère fortement symbolique.

Il apparaît comme l’endroit le plus parlant, le plus chargé d’histoire de la révolution d’aout 1983, foyer incandescent et épicentre de la Révolution démocratique et populaire. En plus, il est situé géographique au cœur du monde scolaire et universitaire et des quartiers populaires comme Paspanga, quartier natif du président Thomas Sankara. Le conseil de l’entente était donc le lieu pertinent pour accueillir le site du mémorial.

Ce à quoi ressemblera le mémorial une fois terminé

Par contre, Bernard Sanou reconnaitra ce site avait pris une coloration de terreur et hantait négativement les esprits. Le mémorial sera donc l’occasion de “laver les souillures” et faire revivre le conseil, le président Sankara et ses compagnons ,”au grand dam de ses bourreaux qui croyaient s’en être débarrassé”.

Pour le ministre de la culture, des arts et du tourisme, Abdoul Karim Sango, la cérémonie de découverte de la statue revêt une charge historique et émotionnelle pour le Burkina Faso. “Le site deviendra le carrefour de nos espoirs et de nos grandes ambitions au regard des projets en cours”, a-t-il dit. Le ministre a ainsi souhaité que ces œuvres figuratives suscitent davantage nos pensées et actions pieuses à l’endroit des victimes du massacre du 15 octobre , tout en demeurant un symbole fort de nos espoirs ressuscité pour l’avenir radieux du Burkina et de l’Afrique.

Emotion et polémique

A l’issue de la cérémonie de découverte de la statue géante, le projet architectural du mémorial a été également été dévoilé au président Roch Kaboré et à l’ancien président ghanéen John Jerry Rawlings. Les travaux de construction du mémorial pourraient donc débuté très bientôt. “Aujourd’hui, nous devons être fiers que partout en Afrique, dans le monde, il y a des idées de Thomas Sankara. C’est un acquis fondamental”, s’est pour sa part réjoui le président du Faso pour qui, la révolution a permis de positionner le Burkina sur l’échiquier mondial. Il a aussi espéré que le dossier sera enfin jugé et que les responsables seront punis.

L’un des moments les émouvants de la journée a été la pose de la gerbe de fleurs devant le bâtiment ou Thomas Sankara et ses compagnons ont été tués. Le seul survivant de ce massacre , Alouna Traoré a conté cette triste soirée du 15 octobre 1987. Dans la foule, des larmes que certains n’ont pu retenir et de vives émotions.

Une fois la statue révélée une polémique a commencé à naitre. Surtout sur les réseaux sociaux, une certaine opinion regrette que les traits de Thomas Sankara n’apparaissent pas sur sa statue. L’artiste qui a coordonné sa réalisation, ouvert et humble, a expliqué que la statue géante est faite surtout pour être vue à une certaine distance.

Toutefois, Jean-Luc Bambara a confié avoir travaillé dans des conditions très difficiles. “D’abord les délais requis selon la réglementation des marchés publics de l’Etat. On donne un délai de 120 jours pour réaliser 4 monuments. Quand tu ne respectes pas les délais, tu ne rentres pas dans tes fonds. Bonjour les pénalités”, a regretté l’artiste avant d’ajouter qu’ en en temps normal, ce monument aurait nécessité au moins un an de travail.

Dans un communiqué, le Comité international du mémorial Thomas Sankara a rassuré qu’un processus de finition est prévu. “Il est prévu d’apporter les derniers recadrages après l’implantation de la statue en tenant compte des distances, volumes, et angles de visions. Les dernières corrections seront donc portées”, lit-on dans un communiqué.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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