Je me suis décidée aujourd’hui à partager mon témoignage pour aider les sœurs comme moi. Dans cette vie, personne ne connait ce que deviendra l’autre dans quelques années. Ne jamais sous-estimer, rabaisser, humilier, rejeter un homme simplement parce qu’il n’est pas aisé, branché, c’est cela le message que je vous apporte aujourd’hui. J’ai été idiote et très cruel envers lui, aujourd’hui je suis bien confuse car au lieu de se laisser abattre par le traitement de peu de faveur que je lui ai affligé, il a décidé de se battre et Dieu a été pour lui un vrai allié car il a réussi extraordinairement et je me retrouve à chercher du travail dans son entreprise. Je me nomme Carine. J’ai connu Beaudouin lorsque j’avais 22 ans. Il était un simple stagiaire dans l’entreprise d’un homme qui me courtisait. La première fois que je l’ai croisé, c’était dans les couloirs de cette entreprise. Je venais voir son patron. Il était très bel homme et tout de suite j’ai ressenti quelque chose pour lui. Il était simplement habillé, mais affichait un très beau sourire. Je tombai sous le charme tout de suite. Lorsqu’il demanda mon numéro de téléphone je n’hésitai pas à le lui donner. Beaudouin et moi avions commencé à nous fréquenter et j’aimais vraiment beaucoup sa candeur. Il avait quelque chose de différent, il parlait de Dieu, d’avenir … C’était vraiment l’homme que toute mère sensée aurait souhaité pour sa fille si aujourd’hui avoir une situation financière n’était pas une condition sine-qanun pour avoir une femme. Je le trouvais vraiment bien hormis son côté moisi car il m’arrivait de lui donner de l’argent très souvent. Mes amies avec qui je trainais trouvaient que nous n’étions pas du tout assortis car moi j’étais une fille très branchée, très sortie et bling bling mais lui n’étais même pas capable de m’offrir un vernis. J’insistais pour le présenter à mes amis. Je rappelle que je suis fille unique d’un homme très connu, un diplomate. J’avais un niveau de vie élevé et je ne fréquentais que des gens de mon rang social. Du coup tous le prenait de haut et il se sentait toujours très mal à l’aise. Un soir, je l’invitai à l’anniversaire d’une amie. Il s’y opposa catégoriquement et me rappela comment il fut humilié par mes amis lors d’une précédente soirée. Je partis seule à la fête et une fois laba, mes copines me prirent de côté : - Tu fous quoi avec ce vaut rien ? Tu t’es regardé ? Tu dois le quitter. C’est une honte, tu te pavanes avec ce chien qui ne pourra t’apporter que des poux. Sois réaliste princesse. Tous les hommes riches te courtisent et toi tu te fais gruger par ce gigolo… - Il est où d’ailleurs ? Tu ne l’as plus amené ton chien chien ? - Arrêtez les filles, vous dites tout ça parce que vous ne le connaissez pas. Beaudouin est un homme bon et bien. - Pourquoi devons-nous rêver de connaître une personne pareille ? Regarde autour de nous tous les vrais hommes ici, on n’a même pas fini de les connaître eux et tu nous envoies vers ton pouilleux là ? Arrête tes bêtises. Mes copines n’étaient du tout pas gentilles envers lui et je commençai par me sentir coupable de lui affliger un tel supplice. Tous voulaient que je le quitte y compris ma mère qui le trouvait trop ordinaire… Pourtant Beaudouin était l’homme idéal. Il était toujours très humble et disponible pour moi. Mais ce n’était que ça. Il n’avait pas les moyens de vivre dans mon cadre à moi, avec mes réalités car trop d’écart entre nous. Un jour, par surprise, mon père se présenta chez moi sans me prévenir. Il sonnait à peine 7H du matin et ma mère lui avait mis la puce à l’oreille la veille. Elle lui avait rabattu les oreilles avec : - Ta fille sort avec un va-nu-pieds. Tu dois réagir. Je n’ai pas souffert autant pour la mettre au monde pour un mendiant. Papa qui avait une sainte horreur des personnes peu parvenues débarqua à la maison pour confirmer la version de ma mère. J’étais au lit avec Beaudouin et il le prit très très mal. Il le mit à la porte sans même lui laisser le temps de s’habiller. Il lui interdit sous mes yeux de mettre les pieds chez moi. Beaudouin s’excusa et disparu. Je suppliai mon père de lui laisser une chance mais ce fut un non catégorique. Toute cette semaine, ce fut le sujet Beaudouin sur le tapis. Tous avaient l’air de s’être passés le mot, amis, papa, maman, tous étaient heureux que mon père l’aie viré de chez moi. Malgré cette humiliation, une nième, Beaudouin continua à me voir les soirs à la sortie du travail. Mais je me sentais très gênée pour lui car vraisemblablement nous ne pourrons pas rester ensemble. Je décidai alors de tout arrêter. Je l’invitai un soir à diner et je lui fis part de ma décision de rompre avec lui. Il faillit pleurer. Il se mit à me supplier sous les regards des clients du restaurant et je dus m’en aller toute honteuse car tous les yeux étaient rivés sur nous. Je le laissai là… Et je fermai la page. L’année suivante, mon père fut victime d’un accident de voiture qui lui ôta la vie. Je me retrouvai à jongler très vite pour assurer mes fins du mois car tout venait de papa. Je ne savais pas travailler et l’appartement que je louais était payé par mon père. Ma mère également n’avait jamais voulu travailler. Elle se basait sur les salaires de papa pour vivre et cette vie de luxe lui montait à la tête. Grande dépensière, elle n’avait aucune économie. Tout ce qu’il nous restait était la villa de papa et quelques petits sous par ci par là. Maman décida de se lancer dans le commerce avec ces sous et me demanda de me débrouiller aussi de mon côté. Je perdis ainsi très vite l’estime de mes amis car je n’étais plus capable de claquer de l’argent au cours des diners, en boite de nuit ou dans le shoping. J’étais devenue trop ennuyeuse et plus personne n’avait mon temps, surtout que je me plaignais de ne plus rien avoir en poche et qu’il m’arrivait même de solliciter des aides financières. Pendant 5 ans, je rasai le mur entre petits stages et boulots CDD. Rien ne fut concluant du tout. Je vendis vite ma voiture pour survivre. Mon dernier contrat venait à terme et j’avais besoin d’un vrai travail. Je lus sur internet une annonce d’une grande entreprise informatique recherchant des commerciales. Je m’empressai de postuler. La chance fut de mon côté et je fus sélectionnée pour la première vague d’entretiens. Les entretiens furent faits par des blancs. Sympas certes mais très professionnels ; ils nous informèrent que le dernier entretien sera mené par le PDG lui-même. Le jour de l’entretien, j’arrivai assez tôt dans le hall de l’entreprise. Je vis rentrer juste après moi un homme, grand et surtout très bien habillé, dont le physique me parut familier. Il était au téléphone lorsqu’il pénétra dans le hall. Je l’observai et nos regards se croisèrent. Je le reconnus aussitôt. C’était Beaudouin mais mon Dieu comme il avait changé. Je baissai les yeux de suite. Jusque-là, je croyais qu’il était là pour le même entretien que moi alors je lui fis de la place lorsqu’il se rapprocha de moi pour me saluer. - Bonjour, comment allez-vous Carine ? Me demanda-t-il dans un français très soutenu. - Je vais bien merci beaucoup. - Super. A tout à l’heure dans ce cas. L’échange fut bref et il repartit de suite, suivit d’une assistante qui lui annonçait ses programmes de la journée et l’appelait Monsieur. Je ne comprenais pas du tout ce qu’il se passait. Beaudouin foutait quoi là, à se faire appeler Monsieur ? Je me mis à me poser mille questions. Soit il était embauché dans cette société, si c’est le cas, il a alors beaucoup de chance, me dis-je. 30 minutes après, les entretiens commencèrent. On nous fit rentrer un à un dans le bureau du PDG. Lorsque vint mon tour, je rentrai dans la pièce le cœur battant car je n’affectionnais pas très particulièrement les entretiens d’embauche. Mais mon cœur fut encore plus éprouvé lorsque je le vis, assis derrière le vaste bureau en face de moi, regardant mon CV que venait de lui déposer son assistante. Je sentis tout mon corps se figer. Je compris, pas trop tôt que le PDG, c’était lui, Beaudouin. Je m’assis avant même qu’on ne me le proposa. - Mlle merci de vous tenir debout et d’attendre que nous vous invitions à vous assoir svp, me dit l’assistance un peu exacerbée par mon acte. - Non ça va Bintou, ça peut aller. Mlle peut rester assise. Alors comment allez-vous ? - Je vais bien lui répondis-je très difficilement. J’étais totalement perdue dans mes pensées, je revis en un temps relativement court tout le film de notre passé ensemble, mettant l’accent sur les pires moments, les humiliations… Je n’écoutais plus du tout ce qu’il me disait, j’avais les yeux remplis de larmes et le cœur serré. Si seulement mon papa pouvait vivre pour voir cela… - Mlle vous nous écouter ? Vous allez bien ? Un problème ? Ce fut une fois de plus l’assistante qui me réveilla de ma stupeur avec sa voix aigüe. Je fermai les yeux pour ne pas couler des larmes en face d’eux, m’excusai, me levai et sortis du bureau en courant… Je partis ce jour-là, pleine de honte et de regrets. J’avais mal pour lui car nous l’avions tous traité comme un moins que rien, mes amis, mes parents et même moi n’avais pas su lui accorder une petite chance. Je ne pouvais pas supporter de le voir là, j’avais honte, profondément honte et je m’enfermai dans ma chambre sans en ressortir de la journée. J’étais persuadée d’avoir grillé toutes mes chances de me faire embaucher dans cette grande entreprise. Je venais de bâcler mon entretien d’embauche avec le PDG. Plus jamais on n’allait me rappeler. Le lendemain matin, je me remis à la recherche de boulot en feuilletant les presses. J’étais en pleine besogne lorsque mon téléphone sonna. - Bonjour Mlle… C’est l’entreprise … Nous avons le plaisir de vous annoncer que vous avez été recrutée comme commerciale. Vous êtes donc invitées à vous rapprocher de notre service des Ressources Humaines pour prendre connaissance des formalités d’usage svp. Je laissai tomber le journal que je tenais en main, portai la main à la bouche. Recrutée ? Malgré ma grosse gourde de la veille ? Mon Dieu. Je fondis en larmes pendant que de l’autre côté du fil j’entendais crier Allo, allo.

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