Pour gagner sa pitance quotidienne, Zimako s'était établi en vendeur de CD piratés. Quand il ne faisait pas l'ambulant, on le voyait courir après les voitures, au feu du grand carrefour de Solibra, son quartier général. Depuis une vingtaine d'années, le jeune grouilleur proposait quotidiennement ses disques illégaux aux automobilistes, non sans être à l'abri des mailles de la brigade du BURIDA. Surpris et embarqué plusieurs fois par les gros bras de la police culturelle, Zimako avait fait la prison une vingtaine de fois. Relâché à chaque reprise après s'être acquitté d'une amende, il avait toujours renoué avec son trottoir pour proposer sa marchandise illicite : il ne pouvait faire que cela pour survivre en attendant qu'un jour, peut-être, la providence qu'il appelait de toutes ses forces, vienne le délivrer de ses lamentations. Le malheur le crucifia malencontreusement un matin, alors que courant sur l'autoroute ses nombreux CD en mains à l'affût d'un client, une grosse voiture le renversa. Couché sur le goudron, le vendeur de CD poussa des cris de tourment. Dans la douleur et le sang, il se torturait en roulant sur le bitume comme un ballon... Les orteils gauches de Zimako étaient complètement en bouillie : il ne pourra plus jamais courir de sa vie avec ses disques, pensait-il en se lamentant. Il ne savait faire que ça. Que sera son avenir s'il n'arrivait plus à se déplacer convenablement ? Et alors qu'il souffrait atrocement, aussi bien physiquement que mentalement, Zimako prononça des imprécations contre le chauffard qui l'avait cogné. C'est vrai que ce dernier n'était fautif en rien dans l'incident qui était survenu, mais Zimako lui en voulait tout de même. Il aurait pu être plus prudent ! Le chauffeur de la mirobolante voiture descendit, abandonnant son véhicule sur le trottoir et se précipitant au chevet de l'accidenté. Il s'accroupit en examinant les pieds du blessé. - Jeune homme, je suis profondément désolé, s'excusa-t-il. Mais il faut qu'on aille vite à l'hôpital. Je ferai le nécessaire. Je serai avec toi... Interpellé par la voix aimable qui lui était presque familière, Zimako ouvrit les yeux, leva la tête, fronça les sourcils, écarquilla les yeux : il n'en revenait pas d'être en face de son idole qu'il a toujours rêvé rencontrer. Et du coup, il voyait sa vie autrement. Il voyait le bonheur. La douleur était atténuée. Il remerciait le ciel pour la providence. - Tu dois avoir très mal, jeune homme, insista le footballeur en lui mettant le bras sur les épaules et en lui touchant les orteils. Zimako sourit, puis, en riant plus fort que la douleur, s'exclama dans ces expressions qui firent sourire le footballeur : - Eh papa Samuel Eto'o, tu m'aurais broyer même les deux pieds que ça ne m'aurait rien dit ! Cet accident est un accident béni ! L' opinion publique disant beaucoup de bien d'Eto'o, pour Zimako, ce n'était pas possible de rencontrer cet athlète et retourner dans la misère. Samuel, comme un messie, avait la main sur le cœur. Non seulement il fit en sorte qu'un grand hôpital prît soin du vendeur de CD, mais aussi, il lui permit de ne plus jamais retourner à son commerce de trottoir... Zimako avait désormais une belle discothèque où il vendait des CD originaux. Très connu et adulé dans le milieu culturel, sa vie antérieure était loin derrière lui, grâce à son accident béni.

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